Ces merveilleux fous volants...
Le salon aéronautique 1995 du Bourget
Quelques photos que j'ai pris lors de cette manifestation.
L'aviation dans la BD
Une de mes passions : le modélisme aéronautique
N'oublions pas... ce que sont la plupart de ces machines : des engins de guerre...
« ...
- Turban Yellow two break !
Yellow two ? - mais c'est moi !
D'un furieux coup de pied au palonnier je décroche mon Spit et une aigre nausée de peur me coule entre les dents.
Des traînées rouges défilent en dansant devant mon pare-brise...
...Et je vois mon premier Boche !
Je l'identifie aussitôt - c'est un Focke Wulf 190 !
J'en ai tellement, mon Dieu, étudié les photos sous tous les angles, les plans trois vues...
Après avoir tiré sur moi une rafale de traceuses, il file sur Martell.
Oui, c'en est bien un - les ailes courtes, le moteur en étoile, le long cockpit transparent moulé d'une pièce, les empennages coupés à angle droit ! Mais aux photos, il manquait la vibration des couleurs - le ventre jaune pâle, le dos gris-vert, les grandes croix noires soulignées de blanc... les photos ne pouvaient rendre le frémissement des ailes, la silhouette allongée, affinée par la vitesse, la curieuse assiette de vol nez bas...
Toute la sarabande effrénée des Spitfires semble s'être évanouie dans le ciel - ils n'existent plus - mon n°1 a disparu.
Tant pis, je ne veux pas perdre mon Focke Wulf. Je n'ai plus peur.
Les images se superposent incohérentes...
Trois Focke Wulfs battant des ailes...
Des traceuses qui s'enchevêtrent partout...
Un parachute qui flotte comme une bouffée de fumée dans le ciel bleu.
Je me recroqueville, collant de mes deux mains le manche à mon ventre, lancé dans une interminable spirale ascendante, plein gaz...
- Look out ! Attention ! Break !... les cris s'entrecroisent dans les écouteurs. Je voudrais comprendre, saisir un ordre, un conseil...
Un autre Focke Wulf, les ailes illuminées par les saccades aveuglantes des canons qui tirent - les traînés gris sale des pots d'échappement - les filets blanc de condensation au bout des plans carrés...
Je ne puis distinguer sur qui ou sur quoi il tire.
Il déclenche - ventre jaune, croix noires... il pique et tombe du ciel comme un projectile... loin en dessous il s'efface dans le flou du paysage.
Un autre encore, à mon niveau. Il vire vers moi - Attention ! Faire face !
Un renversement sec et sans savoir comment, je suis sur le dos, le doigt sur la détente, secoué jusqu'à la moelle des os par le grondement de mes canons qui crachent des flammes courtes...
Tout mon univers, toutes mes forces se cristallisent sur une seule pensée :
JE DOIS LE MAINTENIR DANS MON COLLIMATEUR !
- et la correction ? - pas assez ! Il me faut serrer mon virage ! encore plus... encore... encore !
Rien à faire.
Il est passé, mais mon doigt appuie toujours convulsivement sur la gâchette... je tire dans le vide.
Où est-il ?
Je m'affole. Attention, LE BOCHE QUE L'ON N'A PAS VU EST CELUI QUI VOUS DESCEND !
Les pulsations de mon coeur dérouté résonnent dans mon ventre, dans mes tempes couvertes de sueur, dans mes jarrets...
Le revoilà, loin déjà, il pique.... je tire... manqué ! - hors de portée. Rageur, je m'obstine... encore une dernière rafale... mon Spitfire vibre, mais le Focke Wulf est plus rapide et disparaît indemne dans la brume...
Le ciel s'est soudain vidé... plus un avion... comme par enchantement. Je suis absolument seul...
... »
Le grand Cirque. Pierre Clostermann.
... et de mort.
« ...
- Hullo, Pierre, I have spent my CO2, and the leg is not fully locked yet.
Sa voix tremble. Pauvre gosse ! Comme je comprends son affolement, tout seul là-haut, se débattant contre toute cette mécanique devenue un piège mortel. Il me semble le voir, trempé de sueur, le souffle court, cognant désespérément sur son levier de train, appuyant quand même sur le siphon de la bouteille de CO2, maintenant vide...
L'ambulance démarre, et va se placer en tête de piste, moteur au ralenti. La voiture-incendie suit - sur les marchepieds, les pompiers ressemblent à des scaphandriers, dans leurs costumes d'amiante... La jeep du docteur arrive.
Alex me rappelle :
- O.K. Desmond, coming in for belly landing. Switching off !...
- Bon Dieu, Clostermann, dites-lui donc de sauter ! me hurle Brooker.
Trop tard ! Il a débranché sa radio.
Le Tempest amorce sa prise de terrain.
Je dévale le long de l'échelle et bondis dans ma jeep. Le conducteur de la pompe débraie et passe en première... Les gens commencent à courir le long du perimeter-track...
Le Tempest descend et grandit vite. Le disque brillant de l'hélice se fractionne tout d'un coup quand Alex coupe les contacts. Son arrondi est impeccable. Queue basse, volets braqués, il se rapproche de la piste en brique.
J'appuie sur l'accélérateur, poursuivi par la cloche des pompiers et la sirène de l'ambulance...
Le Tempest va toucher - la couverture vitrée du cockpit voltige...
Ca y est ! Un raclement formidable, l'hélice se tord et les huit tonnes tombent à trois cents à l'heure...
Dans un fracas de tonnerre et sous nos yeux horrifiés, l'avion rebondit en capotant à plus de trente mètres de hauteur, puis s'écrase sur le dos, queue en avant dans une nappe de feu...
Les briques voltigent... une explosion sourde, une lueur aveuglante, et aussitôt des flammes atroces, hautes de vingt mètres, qui tordent des volutes épaisses de fumée noire rayée d'éclairs...
Je freine à cinquante mètres du brasier et saute de la jeep, pendant que la voiture-pompe se précipite littéralement dans les flammes, crachant la mousse carbonique de ses six lances à haute pression...
Les pompiers bondissent, hache à la main, suivis par les infirmiers...
A trente mètres, la chaleur est telle que l'air brûle la gorge comme de l'alcool.
Une gerbe d'étincelles blanchâtres s'arrache de la fournaise et c'est la pétarade sèche des munitions qui commencent à sauter dans les casiers... Les éclats sifflent...
Epouvantés, nous entendons nettement, perçant le vacarne, un hurlement affreux - puis un bras s'agite faiblement, au milieu de l'éblouissement et des craquements du métal qui fond.
Un des pompiers qui tente quand même de pénétrer dans cet enfer, s'écroule. On le ramène en arrière avec un crochet, comme une bûche noircie et fumante.
Il sort en titubant de son costume d'amiante sur lequel on distingue des gouttes d'aluminium fondu, et tombe à plat ventre, vomissant...
Les flammes ronflent, la fumée pique les yeux. Les pompiers déversent des centaines de litres de liquide laiteux qui éclabousse, se vaporise ou s'écoule sur les briques.
La chaleur diminue quand même, et l'on commence à entrevoir derrière les langues de feu, la carcasse fracassée du Tempest - le moteur éventré montrant ses viscères de cuivre souillés de terre, le squelette de l'empennage, le fuselage brisé en trois tronçons, les ailes éventrées par l'explosion des bandes d'obus.
Le feu est presque vaincu, on distingue vaguement des lueurs rouges ondulant sous la mousse qui bouillonne.
Pataugeant jusqu'aux genoux, on se précipite. L'horrible odeur de chair et de caoutchouc grillés prend à la gorge et retourne le coeur. Une poussière blanche de cendres impalpables d'aluminium retombe en pluie.
Puis c'est le bruit des haches, qui déchirent ce qui reste du cockpit.
- Easy chaps... easy...
Les mains gantées d'amiante font basculer les débris enchevêtrés, rejettent des ferrailles rougies à blanc qui tombent sur l'herbe en grésillant.
...Et on voit...
Je ne sais pas ce qui me pousse en avant, plus près...
Délicatement, on dégage une masse informe, rouge et noir, où adhèrent des lambeaux calcinés d'étoffe... Les courroies du parachute et du harnais ont brûlé, mais on devine sous cette croûte saignante les boucles métalliques incandescentes qui ont rongé jusqu'à l'os...
Le médecin, un mouchoir sur la bouche, une seringue hypodermique à la main, pique un peu au hasard dans cette chair rôtie - pour en finir - car on peut distinguer (serait-ce une hallucination ?) une sorte de pulsation irrégulière, comme si le coeur battait encore faiblement au-dessus de la déchirure béante des viscères éclatés...
Un spasme secoue les restes d'une jambe...
Je sens se glacer la sueur dans mon dos. Les jambes fauchées, les nerfs brisés, je m'assois, coupé en deux par les nausées, dans la boue de cendre et de mousse...
Le lendemain, la même tragédie recommence avec Golding, qui cherche lui aussi à poser son Tempest sur le ventre.
... »
Le grand Cirque. Pierre Clostermann.
Retour à la page d'accueil.