L'aspect de la mine
L'allure de la mine est intimement liée aux techniques de creusement. Dans les temps anciens, creuser la roche était très difficile par manque d'outillage perfectionné, les mineurs se contentaient bien souvent de ne retirer que ce qui leur était utile, c'est à dire le minerai : ils procédaient à un abattage sélectif. On peut ainsi observer dans de vieilles mines des galeries de 60 cm de hauteur qui suivent un filon ou une couche.
En règle générale, les mines antérieures au XIX ème siècle, ce qui est le cas de la plupart des mines de l'Oisans, sont petites et intégrées dans le paysage. Les exploitations souterraines n'ont pas produit de grandes quantités de déblais stériles et elles sont parfois difficiles à retrouver par manque d'indices visuels.
Dans les montagnes de l'Oisans, mais aussi des Alpes entières, ces exploitations vivaient avec une économie repliée sur elle-même à cause de l'inexistence ou des grandes difficultés rencontrées par les moyens de communication (pas ou peu de routes). Pendant que les hommes travaillaient à la mine, les femmes et les vieux travaillaient dans les champs et les enfants s'occupaient des troupeaux.
A partir du XIX ème siècle, l'utilisation répandue des explosifs pour le creusement des galeries permet une industrialisation et une rationalisation du travail. Les puits et galeries sont plus grands, les moyens de transport évoluent, à l'intérieur comme à l'extérieur de la mine. Désormais les mines vont marquer le paysage de leurs grands entassements de déblais stérils, qui témoignent de tout ce qu'on a arraché d'inutile à la montagne, juste pour être plus à l'aise à l'intérieur de la mine.
Anatomie d'une mine
Une mine est constituée de :
Une galerie est constituée :
Les techniques de creusement
Cette technique a été utilisée depuis les Romains jusqu'au Moyen-Age.
Technique : la roche est chauffée avec un brasero rempli de charbon de bois puis de l'eau froide est projetée sur le front de taille pour créer un choc thermique qui fait éclater la roche en esquilles. L'eau peut être projetée à la main ou bien par l'intermédiaire d'une gouttière.
Cette technique présente de grands dangers, notamment d'asphyxie par les fumées au fond des galeries.
Cette technique est la technique de base quand aucune autre ne peut être appliquée. Les mineurs utilisent des burins, des coins en fer, des marteaux, des pointerolles, c'est à dire des outils de petite taille lorsque les mineurs procèdent à un abattage sélectif et travaillent dans des boyaux étroits. Ils utilisent des pics, des pelles, des sapes lorsqu'ils ont plus de place, que le front de taille est plus large.
Le percement suit plusieurs étapes. Il faut dabord creuser le "bouchon". Quatres burins emmanchés ou pointerolles sont enfoncés dans le rocher en un point particulier du front de taille, en général le centre, suivant des directions conformes aux arêtes d'un dièdre ou d'une pyramide jusqu'à ce que la roche éclate en esquille. Après le percement du bouchon il est relativement plus aisé de faire éclater la roche de proche en proche, d'esquille en esquille, en partant du centre vers les parois latérales de la galerie (en rabattant vers le centre les esquilles successivement arrachées).
Les cadences d'avancement n'étaient certainement pas très élevées avec ces méthodes, autour de 10 mètres par an (10 à 50 tonnes de déblais à évacuer).
Au XVIII ème et surtout au XIX ème siècle, les progrès dans les études minières (connaissances géologiques) et surtout dans l'outillage permettent d'augmenter les cadences. On voit apparaître des outils de forage mécanisés : machines à bras, à eau, à gaz, à air comprimé, à electricité permettant d'actionner des perforatrices. Les techniques de forage évoluent. On pratique le havage : à partir d'une saignée profonde pratiquée dans une zone plus tendre, on abat le front de taille souvent par gradins successifs du fait de la hauteur qui devient importante.
L'introduction des explosifs ne s'est faite que lentement du fait dabord de la rareté de ces produits puis à cause du dangers de leur utilisation (ils nécessitent la présence d'un spécialiste artificier). On a dabord utilisé la poudre noire puis la dynamite. Les explosifs posent en effet beaucoup de problèmes : ils sont parfois instables, ils sont sensibles à l'humidité et au froid. La dynamite est inerte en dessous de 10°, et les mines d'Oisans sont parfois situées à haute altitude (j'ai trouvé des stalactites de glaces dans la mine du Pontet au mois de mai alors que celle-ci est située au fond de la vallée de Bourg-d'Oisans à moins de 1000 m d'altitude).
Technique : des trous de faible section (3 ou 4 cm) et assez long (1 à 2 m) sont forés à la foreuse obliquement par rapport à la surface travaillée, en plusieurs points de cette surface. Si la roche est stratifiée, les forages seront dirigés perpendiculairement au plan de stratification. Puis des charges d'explosifs sont placées dans les trous, en piquant celles-ci avec une épinglette en cuivre rouge (sorte de tige longue et mince). La charge est poussée au fond, et, sans retirer l'épinglette, le trou est bouché soigneusement avec des fragments de roche non scintillantes (calcaire, argile, schiste, charbon, pour éviter tout risque d'étincelle). Le mineur bourre alors le bouchon formé avec un bourroir (longue tige en cuivre ou en bois terminée par une partie cylindrique comportant une encoche destinée au passage de l'épinglette toujours en place). Le bourrage terminé, le mineur retire l'épinglette et glisse dans l'orifice resté libre une cornette, sorte de papier enduit de poudre dans lequel il adapte une mèche soufrée. Il ne reste plus alors qu'à allumer la mèche et à se sauver en courant. On imagine le danger de ces anciennes méthodes. Aujourd'hui, si la technique reste valable, les matériaux employés sont moins dangereux. Les explosifs sont plus stables, les mèches sont remplacées par du cordeau détonnant sans danger (tant qu'il n'est pas connecté à un détonnateur). L'artificier connecte les différents cordeaux qui proviennent des différents trous de manière à n'en obtenir plus qu'un seul qu'il déroule tranquillement derrière lui en s'éloignant du front de taille. Il n'y connecte qu'un seul et unique détonnateur relié à un cable électrique aussi long que l'artificier l'estime nécessaire pour sa sécurité et enfin, relié à un exploseur (source de courant électrique), il peut être mis à feu.
Les outils manuels
Dans les roches ébouleuses les mineurs utilisent la pelle et la pioche, dans les roches tendres, des pics, des coins, des masses et des leviers, dans les roches dures et semi-dures, des pics, des pointerolles et des explosifs.
Les pics sont des pointes en acier emmanchées perpendiculairement (1 pointe ou 2 en opposition). Ils pèsent 1 Kg pour le charbon et 3 à 4 Kg pour les roches dures.
Les pointerolles sont des outils en forme de prisme de fer long de 30 à 40 cm, pointu à une extrémité, formant une tête à l'autre, percé en son milieu d'un oeil où on adaptait un manche de 40 cm tenu d'une main par le mineur tandis que de l'autre il frappait avec une massette de 3 à 4 Kg sur la tête de la pointerolle.
Les coins sont des éléments en acier, de forme plate ou à section carrée ou ronde, pointus à une extrémité, enfoncés avec une masse. Ils peuvent être en bois blanc très sec que l'on fait ensuite gonfler en les arrosant d'eau pour faire éclater la roche.
Les barres et les leviers sont des barres de fer, droites ou recourbées, terminées à une extrémité par une pointe, un ciseau ou un pied de biche.
L'équipement des galeries
Au Moyen-Age : pas ou peu d'équipement. Les mines sont de petites tailles, à peine étayées avec des pieux en bois et la progression des mineurs est très vite stoppée par un accident géologique ou une difficulté imprévue comme un éboulement. Les moyens mis en oeuvre pour l'évacuation du minerai sont dérisoires : ce sont les mineurs qui assurent tout le travail avec des hottes quand la galerie est assez haute pour marcher debout, ou avec des luges en bois qu'ils font glisser sur le sol.
A partir du XVII ème s. des progrès considérables sont effectués. Les études géologiques permettent de mieux exploiter les filons mais aussi de mieux maitriser les dangers liés au percement des galeries. On se prévient contre les effondrements ou les chutes de blocs par un soutènement approprié. On commence à utiliser des machines d'aérage, de pompage de l'eau, des treuils mécaniques, des engins roulants pour transporter le minerai.
Soutènement : dans des terrains ordinaires, les mineurs avancent le front de taille de 1 ou 2 m, puis le boiseur installe un cadre sur lequel il pose des garnissages, le tout étant calé avec des coins en pression sur le rocher pour prévenir la fissuration et la chute de blocs. Dans des terrains non résistants, le soutènement est généralement réalisé par un muraillement complet en forme de voûte construit en maçonnerie ou en pierres sèches.
Aérage : l'aération des galeries de mine est un problème crucial qui a été résolu très vite dans les mines de petite et moyenne taille de façon très ingénieuse par le percement de petites galeries d'aérage disposées de telles façon qu'elles induisent un courant d'air permanent, en général grâce à un gradient thermique. Mais un tel procédé ne peut suffire pour des galeries très longues ou très profondes.
L'un des problèmes rencontrés est l'augmentation de température du fait de la chaleur dégagée par les hommes, les bêtes quand il y en a, les lampes, les coups de mine, l'oxydation des pyrites, les sources thermales ou simplement l'approfondissement. Un autre problème est la régénération de l'air. L'oxygène est consommé par les mineurs, les bêtes, les lampes avant l'électricité, mais aussi par les réactions d'oxydations. Du dioxyde de carbone se dégage mais aussi des gaz nitreux et des acides carboniques, sulfuriques et sulfureux par l'utilisation des explosifs, ainsi que divers gaz toxiques dûs au choc des outils sur des matières arsenicales et mercurielles. Des gaz peuvent également se dégager naturellement des roches (c'est le cas notamment des charbons). On parle ainsi de coup de gaz carbonique et de coup de grisou. Le grisou est un composé de gaz d'hydrogène protocarboné, C2H4 de 85% à 95%, plus de l'azote, de l'acide carbonique et divers hydrocarbures plus légers que l'air. Le grisou, incolore et inodore, s'accumule ainsi dans les parties supérieures des galeries, n'attendant qu'une étincelle pour exploser. Il provoque chez le mineur, à de fortes concentrations, picotement de nez, malaises, maux de tête et enfin asphyxie. Il brûle avec une flamme bleue au contact d'une flamme et explose au contact d'une étincelle ou d'un corps incandescent (avec 70% à 90% d'air).
Les problèmes d'aérage ont été résolus dans les mines récentes par l'installation de sytèmes de pompage d'air. Une galerie ou un puit aboutissant au plus profond de la mine est spécialement affecté à la ventilation. Un système installé à la sortie de ce conduit pompe l'air de la mine toute entière et l'expluse à l'extérieur. Toutes les autres entrées servant à l'aspiration.
Eclairage : il était réalisé au début, de façon individuelle, par des lampes à huile végétale, puis par des lampes électriques à accumulateurs rechargeables en faisant tourner une dynamo. Au XIX ème s. la plupart des mines étaient déjà équipées d'installation électriques fixes, l'éclairage individuel ne servant que d'appoint ou au niveau du front de taille non encore équipé.
Transport : les différents modes de transports sont :
Le moteur de ces différents moyens de transport pouvait être les hommes, des animaux de trait, ou des systèmes de treuils à cable ou chaîne.
Une fois parvenu à l'extérieur, le minerai était descendu de la mine située en haute montagne jusqu'à l'usine de traitement au fond de la vallée au bord de l'eau indispensable, soit par des bêtes de somme ou à dos d'homme quand la montagne était trop escarpée, soit plus facilement par un cable transporteur aérien (ce qui implique tout de même une installation et des moyens plus conséquents).
Le traitement des minerais
Les méthodes de traitement du minerai ont beaucoup varié au cours des siècles, les progrès réalisés dans ce domaine intervenant directement sur l'exploitation des mines elles-mêmes.
En effet si jusqu'au Moyen-Age les mineurs s'ingéniaient à n'extraire que le minimum des galeries, c'est à dire le minerai lui-même et le moins possible d'encaissant stéril, c'est dabord parce que creuser la roche leur était très difficile mais aussi parce que la séparation du métal précieux de la masse de stéril n'était pas simple non plus. Aujourd'hui les mineurs abattent le front de taille à l'explosif sans souçi de tri, lequel est effectué plus tard au traitement de façon industrialisée, mécanisée et peu couteuse.
En effet, un des problèmes les plus importants a été pendant longtemps de concasser la roche et de la réduire en poudre pour en extraire le métal. Autant dire qu'avant le XIXème siècle et l'arrivée de machines performantes, les exploitants de mines avaient intérêt à réduire cette étape au minimum.
Les étapes du traitement du minerai de Plomb au XIXème siècle.
Sur les haldes :
A l'usine de traitement :
Le travail des mineurs
Le silence du désert, ce silence des sables, celui du grand large ou de la haute montagne, c'est l'espace qui se tait ; on l'écoute dans ce bruissement monté des profondeurs de notre être où semble vibrer l'immense écho de la vie universelle.
Le silence d'une caverne est tout autre, c'est celui d'une tombe. On ne l'écoute pas, il s'impose, il écrase, il étouffe, c'est la mort dans l'abîme du Néant.
Henry de Monfred
Il n'est pas facile de s'imaginer la rude besogne des mineurs des temps anciens, spécialement ceux des mines d'altitude de l'Oisans. Il faut avoir passé quelques heures au fond d'une de ces galeries froides et humides, éclairé par la lueur vacillante de la lampe à acétylène. Il faut avoir senti l'air se raréfier. Il faut avoir senti l'oppression de ces parois de roches qui semblent de plus en plus proches d'heure en heure. Il faut avoir entendu l'echo horrible que produit le moindre bruit dans ce tuyau étroit qu'est une galerie. Il faut avoir ressenti ce sentiment intense de délivrance que procure la sortie même par le temps le plus abominable.
Autant la visite de cavités souterraines naturelles peut être agréable, autant le séjour dans ces boyaux insidieusement percés dans les flancs de la Montagne peut être oppressant.
Pour le mineur, à tout cela s'ajoute le travail lui-même : pénible et dangereux. Et ces mots ne sont qu'un pâle reflet de la vérité. Ces mineurs passaient 10 heures à plat ventre ou presque à gratter le minerai avec leur pic ou à frapper de leur masse sur le coin dont le déplacement n'est pas visible à l'oeil nu tellement il est faible à chaque coup. Lorsque le panier était plein de minerai, il fallait alors le ramener en arrière en rampant plutôt qu'en marchant jusqu'à la galerie principale pour le deverser dans la berline que les rouleurs se chargeaient de pousser jusqu'à l'exterieur de la mine. Puis le mineur devait replonger au fond de son boyau jusqu'au front de taille et reprendre son épuisant travail. Tout cela dans les conditions infernales que l'on sait.
Le travail des rouleurs, des convoyeurs ou des porteurs quand il n'y avait pas de transport ferré n'était pas de tout repos non plus. Les anciennes mines étaient souvent trop petites (c'est le cas en Oisans) pour permettre l'utilisation de bête de somme, et tout se faisait à bras d'homme. Les galeries qui suivaient un filon était fréquemment décalées par des failles : des systèmes d'échelles ou de galeries inclinées étaient alors mis en place, toutes choses qui ne facilitaient pas la tâche.
La vie à l'extérieur était spartiate, dans des cabanes de bois ou de pierre, soumises aux dures conditions atmosphériques qui sévissent dans cette région à ces altitudes notamment pendant l'hiver. Les premiers villages avec leur église étaient bien souvent à plusieurs heures de marche et les premiers médecins dignes de ce nom à plusieurs jours, loin en ville, très loin de ces vallées sauvages et maudites.
Les métiers de la mine au XIXème siècle